• Livre : Budapest la noire , Vilmós Kondor

     

    Le pays se remet difficilement de la fin de la première guerre mondiale. Dans le camp des vaincus, il s’est vue amputé des deux tiers de son territoire et de son accès à la mer par le Traité du Trianon dont l’humiliation n’a pas non plus épargné l’Allemagne avec les conséquences que l’on connaît. Roosevelt, qui se faisait expliquer la situation politique dans cette Europe troublée, aurait résumé ainsi le tableau hongrois : « Si je vous ai bien compris, la Hongrie est un royaume sans roi dirigé par un régent qui n’est autre qu’un amiral sans marine ? ».

    Ce régent s’appelle Miklos Horthy. C’est un ancien héros de la Contre-Révolution opposée au diktat communiste qui a voulu s’emparer de la Hongrie. C’est un glorieux combattant de la terreur rouge de Bela Kun. C’est un chef de guerre victorieux qui a pris le pouvoir politique, instauré à son tour la terreur, « blanche » cette fois, afin d’asseoir son régime autoritaire. Au passage, il a contraint à l’exil l’élite culturelle et pris de nombreuses mesures contre les juifs qu’il trouvait trop influents dans la société.

    En ce mois d’octobre 1936 ont lieu les funérailles du premier ministre hongrois, décédé à Munich. Les liens entre l’Allemagne nazie et la Hongrie se resserrent. Le climat politique se tend.

    Alors que toute la ville semble retenir son souffle, une jeune prostituée est retrouvée assassinée dans le quartier juif. Détail incongru : elle a dans sa poche un miriam, livre de prières pour les femmes. Vu l’agitation politique, le journaliste Zsigmond Gordon ne se serait pas occupé de cette affaire s’il n’avait pas vu quelques heures auparavant des photos de cette jeune femme dans le tiroir du chef des détectives de la Préfecture, Vladimir Gellért. La coïncidence transforme cet apparent fait divers en intrigue plus complexe aux ramifications compromettantes pour l’élite dirigeante.

    Premier roman de l’auteur et premier volet d’une future série annoncée, « Budapest la noire » s’inscrit dans la lignée de « L’homme intérieur » de Jonathan Rabb, de « La trilogie berlinoise » de Philip Kerr ou du « Poisson mouillé » de Volker Kutscher tout en déplaçant l’intrigue de Berlin à Budapest. Même période, même dénonciation des débauches des classes dirigeantes, de la misère des ouvriers et petits employés, de la dérive de la société ; même omniprésence de la ville, de ses rues, de son atmosphère lourde et accablante. Une veine historique décidément féconde…

    Budapest la noire , Vilmós Kondor, traduit du hongrois par George Kassai et Gilles Bellamy, éditions Payot & Rivages, thriller, février 2011, 253 pages